Le quêteux

Le quêteux

 

Sur le coin d’une grande allée,

Un vieux quêteux tout fatigué,

Abrité d’un manteau cousu de trous,

Enlaçait un verre en carton vide de sou.

 

Le quêteux était maquillé de rides,

Comme des sillons dans une terre aride.

Il avait chapeauté sa tête d’une coiffure,  

Un bonnet qui n’avait pas d’allure.

 

Ses yeux étaient de tout bord cernés

Pour n’avoir possiblement pas dormi.

Ses guenilles étaient plus que fripées,

Un costard qui sur bien des gens avait passé.

 

Il se tenait bien droit avec son dos tout courbé.

Il avait l’allure d’une grande personnalité.

Il faisait semblant de ne voir personne,

Attendant sans doute qu’on le klaxonne.

 

Il faisait trois pas par en avant,

Puis il en marchait trois autres par en arrière,

Usant le sol sous ses pieds, tout doucement,

Imprégnant ainsi, son passage sur cette terre.

 

Des voitures allaient et venaient

Et près de lui, à vive allure, roulaient,

Trop occupé sans doute à se rendre nul part,

Là où on ne pouvait se permettre d’être en retard.

 

Le vieux quêteux attendait sans maudire,

Silencieux comme le signe ARRÊT à ses côtés.

Il n’affichait même pas un sourire,

L’ayant peut-être aussi vendu pour manger.

 

Oui, sur le coin d’une grande allée,

Un vieux quêteux tout fatigué,

Abrité d’un manteau cousu de trous,

Enlaçait un verre en carton vide de sou.

 

En arrivant près de lui, je me suis arrêté

Et d’un petit signe de voix, l’ai interpellé.

Mon geste l’a sans doute réveillé

Et avec hésitation, vers moi, il s’est dirigé.

 

Il a alors tendu son verre d’un bras hésitant.

J’y ai glissé quelques sous bien sonnants.

Il a hoché la tête comme un bel ange,

Celui que je voyais dans l’église de mon enfance.

 

Puis à ce sans nom que j’ai appelé monsieur,

J’ai souhaité bon succès pour remplir sa tirelire.

De suite il a répliqué avec un grand sourire,

Tout en faisant briller ses deux grands yeux.

 

Cela fait, j’allais reprendre mon chemin,

Tout en voulant saluer le quêteux de la main.

Car lui donner un peu, m’avait fait sentir important,

M’avait fait sentir utile pendant un instant.

 

Mais du quêteux, il restait si peu,

Si ce n’était qu’un manteau cousu de trous

Que portait un être se tenant debout

Et qui ressemblait à notre homme miteux.

 

Car maintenant, sur le coin d’une grande allée,

C’était un ange qui comme un quêteux habillé

Tendait un verre plein de bonheur à donner

Et dans lequel on n’avait qu’à aller piger.